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tivement à celle de ces trois maisons de commerce qui me fera les meilleures conditions. Vous conviendrez, monsieur, qu’un choix précipité serait une grande faute ; car, pour le moment, je n’ai rien à désirer ; c’est de l’avenir qu’il me faudra, si toutefois quelqu’un me fait l’honneur de songer à moi.

À cette sortie imprévue et dite avec une véhémence extraordinaire, car Lucien mourait de peur de tomber dans un rire fou, le docteur, un instant, eut l’air interdit. Il répondit enfin, d’une voix pénible et du ton d’un curé de village :

— Je vois avec la joie la plus vive, monsieur, que vous respectez tout ce qui est respectable.

Le changement du ton libre et satanique qui, jusque-là, avait été celui de la conversation, en cette manière paternelle et morale, fit rougir de plaisir Lucien. « J’ai été assez coquin pour cet homme-ci, se dit-il ; je le force à quitter le raisonnement politique et à faire un appel aux émotions. » Il se sentait en verve.

— Je respecte tout ou rien, mon cher docteur, répliqua Lucien d’un ton léger, et, comme le docteur avait l’air étonné : je respecte tout ce que respectent mes amis, ajouta Lucien, comme expliquant sa pensée ; mais quels seront mes amis ?