Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il y a des choses qu’on n’aime à dire qu’à une seule personne à la fois, etc., etc.

Malgré une déclaration aussi vive, Lucien eut toutes les peines du monde à faire déguerpir le chevalier Bilars, qui se sentait une extrême démangeaison de parler de politique, et que Lucien soupçonnait à tort de pouvoir bien être un espion.

L’éloquence de Du Poirier ne fut nullement démontée par l’épisode de l’expulsion du chirurgien ; il continua à gesticuler avec feu et à parler à tue-tête.

— Quoi, vous allez végéter dans l’ennui et les petitesses d’une garnison ? Un tel rôle est-il fait pour un homme comme vous ? Quittez-le au plus vite. Le jour où l’on tirera le canon, non le plat canon d’Anvers, mais le canon national, celui qui fera palpiter tous les cœurs français, le mien, monsieur, tout comme le vôtre, vous distribuerez quelques louis dans les bureaux et vous serez sous-lieutenant comme devant ; et qu’importe à un homme de votre sorte de faire la guerre comme sous-lieutenant ou comme capitaine ? Laissez la petite vanité de l’épaulette aux demi-sots ; l’essentiel, pour une âme comme la vôtre, est de payer noblement votre dette à la patrie ; l’essentiel est de diriger avec esprit vingt-cinq paysans