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blessure examinée, Du Poirier reprit le grand thème de l’impossibilité de la durée du gouvernement de Louis-Philippe[1].

Notre héros s’était figuré assez légèrement qu’il s’amuserait sans peine aux dépens d’une sorte de bel esprit de province, hâbleur de son métier ; il trouva que la logique de la province vaut mieux que ses petits vers. Loin de mystifier Du Poirier, il eut toutes les peines du monde à ne pas tomber lui-même dans quelque position ridicule. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il fut complètement guéri de l’ennui par la vue d’un animal aussi étrange. Du Poirier pouvait avoir cinquante ans ; ses traits étaient grands et fort prononcés. Deux petits yeux gris-vert, fort enfoncés dans la tête, s’agitaient, se remuaient avec une activité étonnante et semblaient lancer des flammes : ils faisaient pardonner une longueur étonnante au nez qui les séparait. Dans beaucoup de positions, ce nez malheureux donnait au docteur la physionomie d’un renard alerte : c’est un désavantage pour un apôtre. Ce qui achevait la ressemblance, dès qu’on avait le malheur de l’apercevoir, c’était une épaisse forêt de cheveux d’un blond fort hasardé, qui hérissaient le front et les tempes du

  1. C’est un légitimiste qui parle comme, plus haut, c’était un républicain.