Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ce pauvre petit jeune homme, si mince et si joli ?

— Rien que du docteur Du Poirier, répondit Sanréal, fort piqué de la plaisanterie sur l’épaisseur de sa taille ; rien que du docteur Du Poirier, qui se trouvait chez madame de Chasteller précisément à l’instant où ce héros de votre imagination a pris par terre la mesure d’un sot.

— Héros ou non, ce jeune officier a déjà des envieux, c’est bien commencer ; et, dans tous les cas, j’aimerais mieux être l’envié que l’envieux. Est-ce sa faute s’il n’est pas fait sur le modèle du Bacchus revenant des Indes, ou de ses compagnons ? Attendez qu’il ait vingt ans de plus, et alors il pourra lutter d’aplomb avec qui que ce soit. D’ici là je ne vous écoute plus, dit madame d’Hocquincourt, en allant ouvrir une fenêtre à l’autre extrémité du salon.

Le bruit de la fenêtre fit que Lucien tourna la tête, et son cheval eut un accès de gaieté qui retint cheval et cavalier, une ou deux minutes, sous les yeux de cette bienveillante réunion. Comme il avait un peu dépassé la fenêtre, au moment où elle s’était ouverte, son cheval eut l’air de reculer rapidement, un peu malgré le cavalier.

« Ce n’est pas la jeune femme de ce