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longtemps avant de se décider à raconter intelligiblement l’histoire de la chute de Lucien. Comme il embrouillait beaucoup un si beau récit, en voulant y mettre de l’esprit, on prit le parti de lui faire des questions, et il eut le plaisir de recommencer son histoire ; mais il cherchait toujours à faire le héros plus ridicule qu’il n’était.

— Vous avez beau dire, s’écria madame de Sauve-d’Hocquincourt, comme Lucien passait pour la troisième fois sous les croisées de son hôtel, c’est un homme charmant ; et, si je n’étais en puissance de mari, je l’enverrais inviter à prendre du café chez moi, ne fût-ce que pour vous jouer un mauvais tour.

M. d’Hocquincourt crut cette idée sérieuse, et sa figure douce et pieuse en pâlit d’effroi.

— Mais, ma chère, un inconnu ! un homme sans naissance, un ouvrier peut-être ! dit-il d’un air suppliant à sa belle moitié.

— Allons, je vous en fais le sacrifice, ajouta-t-elle en se moquant de lui. Et M. d’Hocquincourt lui serra la main tendrement.

— Et vous, homme puissant et savant, dit-elle en se tournant vers Sanréal, de qui tenez-vous cette calomnie, d’une chute