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d’imbéciles, amoureux du passé et craignant l’avenir, il est juste de distinguer sept ou huit anciens officiers, jeunes, pleins de feu, désirant la guerre par-dessus tout, [qui] ne savaient pas se soumettre de bonne grâce aux chances d’une révolution. Démissionnaires après les journées de Juillet, ils ne travaillaient à rien et se croyaient malheureux par état. Ils ne s’amusaient guère de l’oisiveté forcée où ils languissaient ; et cette vie maussade ne les rendait pas fort indulgents pour les jeunes officiers de l’armée actuelle. La mauvaise humeur gâtait des esprits d’ailleurs assez distingués et se trahissait par un mépris affecté.

Dans le cours de sa reconnaissance des lieux, Lucien passa trois fois devant l’hôtel de Sauve-d’Hocquincourt, dont le jardin intercepte la promenade sur le rempart ; on sortait de table ; il fut examiné par tout ce qu’il y a de plus pur, soit pour la naissance, soit du côté des bons principes. Les meilleurs juges, MM. de Vassignies, lieutenant-colonel, les trois frères Roller, M. de Blancet, M. d’Antin, capitaines de cavalerie ; MM. de Goëllo, Murcé, de Lanfort, tous dirent leur mot. Ces pauvres jeunes gens s’ennuyèrent moins ce jour-là que de coutume ; le matin, l’arrivée du régiment leur avait donné lieu de parler