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nière soirée à réciter avec Blanche des tirades de tragédie, particulièrement la scène d’ironie d’Hermione et la scène où Roxane dit : Sortez à Bajazet. Tandis que Jules qui a deviné sa passion lui murmure à l’oreille : « Pauvre malheureux ! »

C’est que Jules, surnommée on ne sait trop pourquoi Aricie par Crozet, est généreuse et compatissante. « Cette bonne et adorable Aricie », s’écrie-t-il un jour, tandis qu’une autre fois il dit : « La base de son caractère est la douceur et la tendresse. » Il ne tarit point, et, dès le 28 brumaire an XIV, il a écrit d’Auxerre à Stendhal, ce magnifique éloge de la jeune fille : « [C’est] le caractère le plus remarquable que j’aie vu après Plana, toi, Perrino et moi, ayant avec moi la ressemblance la plus étonnante. »

Est-ce avant ou seulement après son mariage avec M. Gaulthier, percepteur à Saint-Denis que « l’adorable Jules » fit la connaissance d’Henri Beyle ? Nous ne trouvons trace d’une correspondance suivie entre eux qu’aux environs de 1826. Il faudra attendre le départ de Stendhal comme consul en Italie, puis son retour en 1833 lors d’un congé de quelques mois pour découvrir un peu d’abandon dans ses billets, tandis qu’en retour les lettres de madame Gaulthier trahiront à côté de leur spirituelle malice une affection de plus en plus visible.