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un diplomate

À l’Opéra, le chevalier de Beauvoisis le présenta au fameux chanteur Geronimo, qui avait alors un immense succès.

Julien faisait presque la cour au chevalier ; ce mélange de respect pour soi-même, d’importance mystérieuse et de fatuité de jeune homme l’enchantait. Par exemple le chevalier bégayait un peu parce qu’il avait l’honneur de voir souvent un grand seigneur qui avait ce défaut. Jamais Julien n’avait trouvé réunis dans un seul être le ridicule qui amuse et la perfection des manières qu’un pauvre provincial doit chercher à imiter.

On le voyait à l’Opéra avec le chevalier de Beauvoisis ; cette liaison fit prononcer son nom.

— Eh bien ! lui dit un jour M. de La Mole, vous voilà donc le fils naturel d’un riche gentilhomme de Franche-Comté, mon ami intime ?

Le marquis coupa la parole à Julien, qui voulait protester qu’il n’avait contribué en aucune façon à accréditer ce bruit.

— M. de Beauvoisis n’a pas voulu s’être battu contre le fils d’un charpentier.

— Je le sais, je le sais, dit M. de La Mole ; c’est à moi maintenant de donner de la consistance à ce récit, qui me convient. Mais j’ai une grâce à vous demander,