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les litanies

En ce moment, en effet, il entendit un bourdonnement sourd, c’était le peuple répondant aux litanies. Pour comble d’impatience, il vit le porte-clefs lui-même agiter ses lèvres en répétant les mots latins. — On commence à dire, ajouta le porte-clefs, qu’il faut que vous ayez le cœur bien endurci pour refuser le secours de ce saint homme.

Ô ma patrie ! que tu es encore barbare ! s’écria Julien ivre de colère. Et il continua son raisonnement tout haut et sans songer à la présence du porte-clefs.

— Cet homme veut un article dans le journal, et le voilà sûr de l’obtenir.

Ah ! maudits provinciaux ! à Paris, je ne serais pas soumis à toutes ces vexations. On y est plus savant en charlatanisme.

— Faites entrer ce saint prêtre, dit-il enfin au porte-clefs, et la sueur coulait à grands flots sur son front. Le porte-clefs fit le signe de la croix, et sortit tout joyeux.

Ce saint prêtre se trouva horriblement laid, il était encore plus crotté. La pluie froide qu’il faisait augmentait l’obscurité et l’humidité du cachot. Le prêtre voulut embrasser Julien, et se mit à s’attendrir en lui parlant. La plus basse hypocrisie était trop évidente ; de sa vie Julien n’avait été aussi en colère.

Un quart d’heure après l’entrée du prêtre, Julien se trouva tout à fait un lâche.