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au supplice. Ma mémoire, liée à l’idée de l’or, sera resplendissante pour eux.

Après ce raisonnement, qui au bout d’une minute lui sembla évident : Je n’ai plus rien à faire sur la terre, se dit Julien, et il s’endormit profondément.

Vers les neuf heures du soir, le geôlier le réveilla en lui apportant à souper.

— Que dit-on dans Verrières ?

— Monsieur Julien, le serment que j’ai prêté devant le crucifix, à la cour royale, le jour que je fus installé dans ma place, m’oblige au silence.

Il se taisait, mais restait. La vue de cette hypocrisie vulgaire amusa Julien. Il faut, pensa-t-il, que je lui fasse attendre longtemps les cinq francs qu’il désire pour me vendre sa conscience.

Quand le geôlier vit le repas finir sans tentative de séduction :

— L’amitié que j’ai pour vous, monsieur Julien, dit-il d’un air faux et doux, m’oblige à parler ; quoiqu’on dise que c’est contre l’intérêt de la justice, parce que cela peut vous servir à arranger votre défense… Monsieur Julien, qui est bon garçon, sera bien content si je lui apprends que madame de Rênal va mieux.

— Quoi ! elle n’est pas morte ? s’écria Julien hors de lui.

— Quoi ! vous ne saviez rien ! dit le