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le remords

— Ma foi, tout est fini, dit-il tout haut en revenant à lui… Oui, dans quinze jours la guillotine… ou se tuer d’ici là.

Son raisonnement n’allait pas plus loin : il se sentait la tête comme si elle eût été serrée avec violence. Il regarda pour voir si quelqu’un le tenait. Après quelques instants, il s’endormit profondément.

Madame de Rênal n’était pas blessée mortellement. La première balle avait percé son chapeau ; comme elle se retournait, le second coup était parti. La balle l’avait frappée à l’épaule, et chose étonnante, avait été renvoyée par l’os de l’épaule, que pourtant elle cassa, contre un pilier gothique, dont elle détacha un énorme éclat de pierre.

Quand, après un pansement long et douloureux, le chirurgien, homme grave, dit à madame de Rênal : Je réponds de votre vie comme de la mienne, elle fut profondément affligée.

Depuis longtemps, elle désirait sincèrement la mort. La lettre qui lui avait été imposée par son confesseur actuel, et qu’elle avait écrite à M. de La Mole, avait donné le dernier coup à cet être affaibli par un malheur trop constant. Ce malheur était l’absence de Julien ; elle l’appelait, elle, le remords. Le directeur, jeune ecclésiastique vertueux et