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CHAPITRE XXXII

le tigre

Hélas ! pourquoi ces choses et non pas d’autres ?
Beaumarchais.


Un voyageur anglais raconte l’intimité où il vivait avec un tigre ; il l’avait élevé et le caressait, mais toujours sur sa table tenait un pistolet armé.

Julien ne s’abandonnait à l’excès de son bonheur que dans les instants où Mathilde ne pouvait en lire l’expression dans ses yeux. Il s’acquittait avec exactitude du devoir de lui dire de temps à autre quelque mot dur.

Quand la douceur de Mathilde, qu’il observait avec étonnement, et l’excès de son dévouement étaient sur le point de lui ôter tout empire sur lui-même, il avait le courage de la quitter brusquement.

Pour la première fois Mathilde aima.

La vie, qui toujours pour elle s’était traînée à pas de tortue, volait maintenant.

Comme il fallait cependant que l’orgueil se fit jour de quelque façon, elle voulait s’exposer avec témérité à tous les dangers