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le rouge et le noir

Julien n’avait nulle vénération pour la noblesse du sang, croyait-elle. Bien plus, peut-être il n’avait nul amour pour elle !

Dans ces derniers moments de doutes affreux, se présentèrent les idées d’orgueil féminin. Tout doit être singulier dans le sort d’une fille comme moi, s’écria Mathilde impatientée. Alors l’orgueil qu’on lui avait inspiré dès le berceau se battait contre la vertu. Ce fut dans cet instant que le départ de Julien vint tout précipiter.

(De tels caractères sont heureusement fort rares.)

Le soir, fort tard, Julien eut la malice de faire descendre une malle très-pesante chez le portier ; il appela pour la transporter le valet de pied qui faisait la cour à la femme de chambre de mademoiselle de La Mole. Cette manœuvre peut n’avoir aucun résultat, se dit-il, mais si elle réussit, elle me croit parti. Il s’endormit fort gai sur cette plaisanterie. Mathilde ne ferma pas l’œil.

Le lendemain, de fort grand matin, Julien sortit de l’hôtel sans être aperçu, mais il rentra avant huit heures.

À peine était-il dans la bibliothèque, que mademoiselle de La Mole parut sur la porte. Il lui remit sa réponse. Il pensait qu’il était de son devoir de lui parler ; rien n’était plus commode, du moins,