Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, II, 1927, éd. Martineau.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
il n’y a plus de ridicule

l’imprévu, que la crainte de rester court en présence de l’imprévu…

— Toujours, toujours, messieurs, la peur du ridicule, monstre qui, par malheur, est mort en 1816.

Il n’y a plus de ridicule, disait M. de La Mole, dans un pays où il y a deux partis.

Sa fille avait compris cette idée.

— Ainsi, messieurs, disait-elle aux ennemis de Julien, vous aurez eu bien peur toute votre vie, et après on vous dira :

Ce n’était pas un loup, ce n’en était que l’ombre.

Mathilde les quitta bientôt. Le mot de son frère lui faisait horreur ; il l’inquiéta beaucoup ; mais, dès le lendemain, elle y voyait la plus belle des louanges.

Dans ce siècle, où toute énergie est morte, son énergie leur fait peur. Je lui dirai le mot de mon frère ; je veux voir la réponse qu’il y fera. Mais je choisirai un des moments où ses yeux brillent. Alors il ne peut me mentir.

— Ce serait un Danton ! ajouta-t-elle après une longue et indistincte rêverie. Eh bien ! la révolution aurait recommencé. Quels rôles joueraient alors Croisenois et mon frère ? Il est écrit d’avance : La résignation sublime. Ce seraient des moutons héroïques, se laissant égorger sans