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le rouge et le noir

Comme il la cherchait des yeux, Mathilde le regarda. Mon devoir m’appelle, se dit Julien ; mais il n’y avait plus d’humeur que dans son expression. La curiosité le faisait avancer avec un plaisir que la robe fort basse des épaules de Mathilde augmenta bien vite, à la vérité d’une manière peu flatteuse pour son amour-propre. Sa beauté a de la jeunesse, pensa-t-il. Cinq ou six jeunes gens, parmi lesquels Julien reconnut ceux qu’il avait entendus à la porte, étaient entre elle et lui.

— Vous, monsieur, qui avez été ici tout l’hiver, lui dit-elle, n’est-il pas vrai que ce bal est le plus joli de la saison ?

Il ne répondait pas.

— Ce quadrille de Coulon me semble admirable ; et ces dames le dansent d’une façon parfaite. Les jeunes gens se retournèrent pour voir quel était l’homme heureux dont on voulait absolument avoir une réponse. Elle ne fut pas encourageante.

— Je ne saurais être un bon juge, mademoiselle ; je passe ma vie à écrire : c’est le premier bal de cette magnificence que j’aie vu.

Les jeunes gens à moustaches furent scandalisés.

— Vous êtes un sage, monsieur Sorel, reprit-on avec un intérêt plus marqué ; vous voyez tous ces bals, toutes ces fêtes,