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le bal

ou huit hommes plus grands que lui l’empêchaient de la voir.

— Il y a bien de la coquetterie dans cette retenue si noble, reprit le jeune homme à moustaches.

— Et ces grands yeux bleus qui s’abaissent si lentement au moment où l’on dirait qu’ils sont sur le point de se trahir, reprit le voisin. Ma foi, rien de plus habile.

— Vois comme auprès d’elle la belle Fourmont a l’air commun, dit un troisième.

— Cet air de retenue veut dire : Que d’amabilité je déploierais pour vous, si vous étiez l’homme digne de moi !

— Et qui peut être digne de la sublime Mathilde ? dit le premier : quelque prince souverain, beau, spirituel, bien fait, un héros à la guerre, et âgé de vingt ans tout au plus.

— Le fils naturel de l’empereur de Russie… auquel, en faveur de ce mariage, on ferait une souveraineté ; ou tout simplement le comte de Thaler, avec son air de paysan habillé…

La porte fut dégagée, Julien put entrer.

Puisqu’elle passe pour si remarquable aux yeux de ces poupées, elle vaut la peine que je l’étudie, pensa-t-il. Je comprendrai quelle est la perfection pour ces gens-là.