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les affinités électives

premier écueil qui avait failli arrêter sa fortune. Il lui parlait le moins possible, afin de faire oublier le transport qui, le premier jour, l’avait porté à lui baiser la main.

Élisa, la femme de chambre de madame de Rênal, n’avait pas manqué de devenir amoureuse du jeune précepteur ; elle en parlait souvent à sa maîtresse. L’amour de mademoiselle Élisa avait valu à Julien la haine d’un des valets. Un jour, il entendit cet homme qui disait à Élisa : Vous ne voulez plus me parler depuis que ce précepteur crasseux est entré dans la maison. Julien ne méritait pas cette injure ; mais, par instinct de joli garçon, il redoubla de soins pour sa personne. La haine de M. Valenod redoubla aussi. Il dit publiquement que tant de coquetterie ne convenait pas à un jeune abbé. À la soutane près, c’était le costume que portait Julien.

Madame de Rênal remarqua qu’il parlait plus souvent que de coutume à mademoiselle Élisa ; elle apprit que ces entretiens étaient causés par la pénurie de la très-petite garde-robe de Julien. Il avait si peu de linge, qu’il était obligé de le faire laver fort souvent hors de la maison, et c’est pour ces petits soins qu’Élisa lui était utile. Cette extrême pauvreté, qu’elle ne soupçonnait pas, toucha madame de