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une négociation

Maistre, et croyait à l’un aussi peu qu’à l’autre.

Comme par un accord mutuel, Sorel et son fils évitèrent de se parler ce jour-là. Sur la brune, Julien alla prendre sa leçon de théologie chez le curé, mais il ne jugea pas prudent de lui rien dire de l’étrange proposition qu’on avait faite à son père. Peut-être est-ce un piège, se disait-il, il faut faire semblant de l’avoir oublié.

Le lendemain de bonne heure, M. de Rênal fit appeler le vieux Sorel, qui, après s’être fait attendre une heure ou deux, finit par arriver, en faisant dès la porte cent excuses, entremêlées d’autant de révérences. À force de parcourir toutes sortes d’objections, Sorel comprit que son fils mangerait avec le maître et la maîtresse de la maison, et les jours où il y aurait du monde, seul dans une chambre à part avec les enfants. Toujours plus disposé à incidenter à mesure qu’il distinguait un véritable empressement chez M. le maire, et d’ailleurs rempli de défiance et d’étonnement, Sorel demanda à voir la chambre où coucherait son fils. C’était une grande pièce meublée fort proprement, mais dans laquelle on était déjà occupé à transporter les lits des trois enfants.

Cette circonstance fut un trait de lumière pour le vieux paysan ; il demanda aussitôt