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pauvres provinciaux, et en particulier sur les prêtres non amis des jésuites. On ne voudra pas laisser partir Julien Sorel, on saura se couvrir des prétextes les plus habiles, on me répondra qu’il est malade, la poste aura perdu les lettres, etc., etc.

— Je prendrai un de ces jours une lettre du ministre à l’évêque, dit le marquis.

— J’oubliais une précaution, dit l’abbé : ce jeune homme quoique né bien bas à le cœur haut, il ne sera d’aucune utilité si l’on effarouche son orgueil ; vous le rendriez stupide.

— Ceci me plaît, dit le marquis, j’en ferai le camarade de mon fils, cela suffira-t-il ?

Quelque temps après, Julien reçut une lettre d’une écriture inconnue et portant le timbre de Châlon, il y trouva un mandat sur un marchand de Besançon, et l’avis de se rendre à Paris sans délai. La lettre était signée d’un nom supposé, mais en l’ouvrant Julien avait tressailli : une feuille d’arbre était tombée à ses pieds ; c’était le signe dont il était convenu avec l’abbé Pirard.

Moins d’une heure après, Julien fut appelé à l’évêché où il se vit accueillir avec une bonté toute paternelle. Tout en citant Horace, Monseigneur lui fit, sur les hautes destinées qui l’attendaient à Paris, des compliments fort adroits et qui, pour