Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/373

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cathédrale ; l’on n’avait pu rien préparer ; il fallait donc, en une seule matinée, revêtir tous les piliers gothiques qui forment les trois nefs d’une sorte d’habit de damas rouge qui monte à trente pieds de hauteur. M. l’évêque avait fait venir, par la malle-poste, quatre tapissiers de Paris, mais ces messieurs ne pouvaient suffire à tout, et loin d’encourager la maladresse de leurs camarades bisontins, ils la redoublaient en se moquant d’eux.

Julien vit qu’il fallait monter à l’échelle lui-même, son agilité le servit bien. Il se chargea de diriger les tapissiers de la ville. L’abbé Chas enchanté le regardait voltiger d’échelle en échelle. Quand tous les piliers furent revêtus de damas, il fut question d’aller placer cinq énormes bouquets de plumes sur le grand baldaquin, au-dessus du maître-autel. Un riche couronnement de bois doré est soutenu par huit grandes colonnes torses en marbre d’Italie. Mais, pour arriver au centre du baldaquin, au-dessus du tabernacle, il fallait marcher sur une vieille corniche en bois, peut-être vermoulue et à quarante pieds d’élévation.

L’aspect de ce chemin ardu avait éteint la gaîté si brillante jusque-là des tapissiers parisiens ; ils regardaient d’en bas, discutaient beaucoup et ne montaient pas.