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nité d’huile bouillante en enfer ! Il ne les méprisa plus ; il comprit qu’il fallait les avoir sans cesse devant les yeux. Que ferai-je toute ma vie ? se disait-il ; je vendrai aux fidèles une place dans le ciel. Comment cette place leur sera-t-elle rendue visible ? par la différence de mon extérieur et de celui d’un laïc.

Après plusieurs mois d’application de tous les instants, Julien avait encore l’air de penser. Sa façon de remuer les yeux et de porter la bouche n’annonçait pas la foi implicite et prête à tout croire et à tout soutenir, même par le martyre. C’était avec colère que Julien se voyait primé dans ce genre par les paysans les plus grossiers. Il y avait de bonnes raisons pour qu’ils n’eussent pas l’air penseur.

Que de peine ne se donnait-il pas pour arriver à cette physionomie de foi fervente et aveugle, prête à tout croire et à tout souffrir, que l’on trouve si fréquemment dans les couvents d’Italie, et dont, à nous autres laïcs, le Guerchin a laissé de si parfaits modèles dans ses tableaux d’église[1].

Les jours de grande fête, on donnait aux séminaristes des saucisses avec de la choucroute. Les voisins de table de Julien

  1. Voir au musée du Louvre, François duc d’Aquitaine déposant la cuirasse et prenant l’habit de moine, n. 1130.