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tionnels ? reprit Julien, du ton de voix le plus tranquille. Ils se vendent trente sous le numéro ici.

— Quoi ! même au séminaire, des libéraux ! s’écria Fouqué. Pauvre France ! ajouta-t-il en prenant la voix hypocrite et le ton doux de l’abbé Maslon.

Cette visite eût fait une profonde impression sur notre héros, si dès le lendemain, un mot que lui adressa ce petit séminariste de Verrières qui lui semblait si enfant, ne lui eût fait faire une importante découverte. Depuis qu’il était au séminaire, la conduite de Julien n’avait été qu’une suite de fausses démarches. Il se moqua de lui-même avec amertume.

À la vérité, les actions importantes de sa vie étaient savamment conduites ; mais il ne soignait pas les détails, et les habiles au séminaire ne regardent qu’aux détails. Aussi, passait-il déjà parmi ses camarades pour un esprit fort. Il avait été trahi par une foule de petites actions.

À leurs yeux, il était convaincu de ce vice énorme, il pensait, il jugeait par lui-même, au lieu de suivre aveuglément l’autorité et l’exemple. L’abbé Pirard ne lui avait été d’aucun secours : il ne lui avait pas adressé une seule fois la parole hors du tribunal de la pénitence, où encore il écoutait plus qu’il ne parlait. Il en eût