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enfin il y a un travail à faire, se disait-il. Sous Napoléon, j’eusse été sergent ; parmi ces futurs curés, je serai grand vicaire.

Tous ces pauvres diables, ajoutait-il, manouvriers dès l’enfance, ont vécu, jusqu’à leur arrivée ici, de lait caillé et de pain noir. Dans leurs chaumières, ils ne mangeaient de la viande que cinq ou six fois par an. Semblables aux soldats romains qui trouvaient la guerre un temps de repos, ces grossiers paysans sont enchantés des délices du séminaire.

Julien ne lisait jamais dans leur œil morne que le besoin physique satisfait après le dîner, et le plaisir physique attendu avant le repas. Tels étaient les gens au milieu desquels il fallait se distinguer ; mais ce que Julien ne savait pas, ce qu’on se gardait de lui dire, c’est que, être le premier dans les différents cours de dogme, d’histoire ecclésiastique, etc., etc., que l’on suit au séminaire, n’était à leurs yeux qu’un péché splendide. Depuis Voltaire, depuis le gouvernement des deux chambres, qui n’est au fond que méfiance et examen personnel, et donne à l’esprit des peuples cette mauvaise habitude de se méfier, l’Église de France semble avoir compris que les livres sont ses vrais ennemis. C’est la soumission de cœur qui est tout à ses yeux. Réussir dans les études,