pour avoir du café, comprenant bien qu’à l’arrivée de ce garçon, son tête-à-tête avec Julien allait finir.
Julien, pensif, comparait cette beauté blonde et gaie à certains souvenirs qui l’agitaient souvent. L’idée de la passion dont il avait été l’objet lui ôta presque toute sa timidité. La belle demoiselle n’avait qu’un instant ; elle lut dans les regards de Julien.
— Cette fumée de pipe vous fait tousser, venez déjeuner demain avant huit heures du matin : alors, je suis presque seule.
— Quel est votre nom ? dit Julien, avec le sourire caressant de la timidité heureuse.
— Amanda Binet.
— Permettez-vous que je vous envoie, dans une heure, un petit paquet gros comme celui-ci ?
La belle Amanda réfléchit un peu.
— Je suis surveillée : ce que vous me demandez peut me compromettre ; cependant, je m’en vais écrire mon adresse sur une carte, que vous placerez sur votre paquet. Envoyez-le moi hardiment.
— Je m’appelle Julien Sorel, dit le jeune homme ; je n’ai ni parents, ni connaissance à Besançon.
— Ah ! je comprends, dit-elle avec joie, vous venez pour l’École de droit ?