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Voici une lettre que M. le chevalier de Beauvaisis, attaché à l’ambassade de Naples, m’a remise pour vous à mon départ ; il n’y a que neuf jours, ajouta le signor Geronimo, d’un air gai, en regardant madame de Rênal. Le signor de Beauvaisis, votre cousin, et mon bon ami, madame, dit que vous savez l’italien.

La bonne humeur du Napolitain changea cette triste soirée en une soirée fort gaie. Madame de Rênal voulut absolument lui donner à souper. Elle mit toute sa maison en mouvement ; elle voulait à tout prix distraire Julien de la qualification d’espion que, deux fois dans cette journée, il avait entendu retentir à son oreille. Le signor Geronimo était un chanteur célèbre, homme de bonne compagnie, et cependant fort gai, qualités qui, en France, ne sont guère plus compatibles. Il chanta après souper un petit duettino avec madame de Rênal. Il fit des contes charmants. À une heure du matin les enfants se récrièrent, quand Julien leur proposa d’aller se coucher.

— Encore cette histoire, dit l’aîné.

— C’est la mienne, Signorino, reprit il signor Geronimo. Il y a huit ans, j’étais comme vous un jeune élève du conservatoire de Naples, j’entends j’avais votre âge ; mais je n’avais pas l’honneur d’être le fils de l’il-