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lapin, qu’ils voulaient montrer à leur ami. Julien fit bon accueil à tous, même au lapin. Il lui semblait retrouver sa famille ; il sentit qu’il aimait ces enfants, qu’il se plaisait à jaser avec eux. Il était étonné de la douceur de leur voix, de la simplicité et de la noblesse de leurs petites façons ; il avait besoin de laver son imagination de toutes les façons d’agir vulgaires, de toutes les pensées désagréables au milieu desquelles il respirait à Verrières. C’était toujours la crainte de manquer, c’étaient toujours le luxe et la misère se prenant aux cheveux. Les gens chez qui il dînait, à propos de leur rôti, faisaient des confidences humiliantes pour eux, et nauséabondes pour qui les entendait.

— Vous autres nobles, vous avez raison d’être fiers, disait-il à madame de Rênal. Et il lui racontait tous les dîners qu’il avait subis.

— Vous êtes donc à la mode ! Et elle riait de bon cœur en songeant au rouge que madame Valenod se croyait obligée de mettre toutes les fois qu’elle attendait Julien. Je crois qu’elle a des projets sur votre cœur, ajoutait-elle.

Le déjeuner fut délicieux. La présence des enfants, quoique gênante en apparence, dans le fait augmentait le bonheur