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duchesse ; le bonhomme Hautemare, le seul être masculin de tout le village qui méritât le titre de bonhomme, songea d’abord à cette place de lectrice pour sa nièce Lamiel. « Mais, se dit-il, personne autre dans le village n’est capable de remplir cet emploi et la duchesse a tant d’esprit qu’il est impossible qu’elle n’arrive pas à songer a Lamiel. » Toutefois, il y avait une objection majeure : une fille prise à l’hôpital était-elle digne de servir de lectrice à une dame d’une si grande noblesse ?

Hautemare et sa femme étaient depuis quinze jours plongés dans le tourment que donne un grand dessein en voie d’exécution, lorsque, un soir où l’on annonçait de Paris les nouvelles les plus décisives sur ce qui se passait dans la Vendée, le piéton remit au château le numéro de la Quotidienne arrivant de Paris.

Ce fut en vain que Mme Anselme mit une double paire de lunettes, elle lisait avec une lenteur et une inintelligence qui désespéraient l’impatiente duchesse.

La madame Anselme avait trop d’esprit pour bien lire. Elle voyait là une corvée qui serait tombée sur elle sans augmenter ses gages d’un sou. Ce raisonnement semblait juste, et toutefois cette fille si habile, Mme Anselme, se trompa.