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LE PIÉTON[1]


Il y avait à Carville un petit jeune homme de dix-huit ans, que sa physionomie doublement normande, tant il était attentif à ses intérêts, avait fait choisir pour piéton du village. Il allait tous les soirs, à neuf heures, chercher les lettres adressées aux gens du pays, à la ville voisine, distante d’une lieue, où les déposait le courrier de Paris. Avant minuit, elles étaient toutes distribuées, jamais il n’y avait d’erreur ; mais avec les demi-sous que le piéton se faisait payer, en trompant des paysans normands, il était parvenu à se donner la toilette d’un monsieur. Il était fort bien venu des demoiselles du pays. On le citait de tous côtés pour sa discrétion à toute épreuve. Pendant longtemps, jamais il n’avait été connu que telle demoiselle recevait des lettres par la poste ; c’était un moyen fort commode d’entretenir une correspondance entre deux jeunes

  1. Manuscrit de la main d’un copiste et qui date vraisemblablement de mars 1842. N. D. L. É.