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étrangère au caractère d’Amiel, elle était trop passionnée pour cela ; passer doucement et agréablement le temps était chose presque impossible pour ce caractère, elle ne pouvait s’amuser dans le sens vulgaire du mot que lorsqu’elle était malade.

Par une suite naturelle, bizarre, de l’admiration qu’elle avait eue pour M. Mandrin, il lui semblait petit et ridicule d’amuser les gens par son esprit. Elle eût pu de cette façon briller autant que bien d’autres, mais ce genre de succès lui semblait fait uniquement pour des êtres faibles ; suivant elle, une âme de quelque valeur devait agir et non parler.

Si elle se servait de son esprit, c’était assez rarement et uniquement pour se moquer, et même avec quelque dureté, de ce qui était établi dans le monde comme vertu ; elle se souvenait de tous les sermons qui autrefois l’avaient ennuyée chez les Hautemare. Un paysan normand est vertueux, disait-elle, parce qu’il assiste à complies et non pas parce qu’il ne vole point les pommes du voisin.

Les père et mère d’Amiel sont morts depuis longtemps ; son oncle Hautemare, le bedeau, décide qu’elle ira au pays pour cette succession, mais comme depuis la répression des Chouans et la fusillade de Charette, il a une peur horrible du gou-