Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfoncent les Carton », le faisait regarder entre les deux yeux l’homme qui prenait la liberté de dire une chose aussi étrange, et le mettait hors de lui pour toute une journée. Le problème, qui le jugulait alors, était celui-ci : « Dois-je laisser passer ce trait piquant, ou bien dois-je me fâcher ? »

Dès l’âge de seize ans, Nerwinde était bourrelé par ce mot : Un petit chapelier établi dans un des faubourgs de Périgueux. De là sa physionomie immobile, il fallait bien cacher une susceptibilité aussi basse. Quelle apparence que l’on pût prendre pour un comte véritable le petit-fils du chapelier Boucaud ? Si l’on parlait de Boucaud devant lui, il rougissait, de là cette physionomie immobile ; il fallait bien cacher cette inquiétude qui venait l’agiter à chaque instant, de là cette habileté suprême au pistolet.

Le maîtresse qui lui eût convenu, qui eût fait la tranquillité et bientôt le bonheur de sa vie, eût été une femme de haute naissance qui lui eût répété dix fois par jour :

— Oui, mon noble Oscar[1], vous êtes un comte véritable, vous avez tout d’un

  1. Un peu plus haut Stendhal l’avait appelé Éphraïm. N. D. L. E.