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en voiture devant leur porte et faites-vous voir dans le village.

Lamiel et son ami se promenaient dans la forêt ; elle était remplie de flaques d’eau de trois ou quatre pouces de profondeur, et qui forçaient les piétons à beaucoup de détours. Lamiel, songeant à ses parents, était triste et pensive. Elle interrompit un assez long silence pour dire au duc, avec un air de profonde conviction :

— Auriez-vous bien le courage de me prendre en croupe et de me conduire jusqu’aux environs de Clargeat, de l’autre côté de la forêt ? J’y pourrais prendre, au passage, la voiture de Vire, et au cas peu probable de poursuite, personne ne pensera que j’ai traversé la forêt dans l’état où elle est.

Fédor baissait la tête, n’écoutait point la fin de ce discours, il était pourpre. Le mot cruel : auriez-vous le courage ? avait réveillé en lui le chevalier français.

— Vous êtes cruellement désobligeante dit-il à Lamiel, et il faut que je sois bien fou pour vous aimer.

— Eh bien, ne m’aimez pas ; on dit que l’amour inspire le dévouement, et je me trompe fort, ou votre cœur n’est destiné à s’occuper sérieusement que des charmants gilets que votre tailleur vous expédie de Paris.