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— J’en ai eu trois.

— Et il n’y a rien autre ?

— Non pas que je sache ; mademoiselle veut-elle que je revienne ?

Je te le dirai d’ici à un mois ; mais pas de bavardages, ne parle de moi à personne.

— Oh ! pas si bête, s’écria Jean Berville. Son œil brilla pour la première fois.

— Quoi ! l’amour ce n’est que ça ? se disait Lamiel étonnée ; il vaut bien la peine de le tant défendre. Mais je trompe ce pauvre Jean : pour être à même de se retrouver ici, il refusera peut-être du bon ouvrage. Elle le rappela et lui donna encore cinq francs. Il lui fit des remerciements passionnés.

Lamiel s’assit et le regarda s’en aller (elle essuya le sang et songea à peine à la douleur.)

Puis elle éclata de rire en se répétant :

— Comment, ce fameux amour, ce n’est que ça !

Comme elle s’en revenait pensive et moqueuse, elle aperçut un joli jeune homme fort bien mis qui s’avançait de son côté sur la grande route. Ce jeune homme, qui paraissait avoir la vue courte, arrêtait presque son cheval pour pouvoir regarder Lamiel plus à l’aise avec son lorgnon.