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rien à cet accueil singulier, mais en homme prudent, il ne voulut pas paraître étonné. Il s’était promis de ne pas faire une question à la marchande d’huile, mais d’observer avec une extrême attention toutes les paroles qui lui échapperaient. Enfin, comme il allait s’éloigner, la marchande mêla à ses adieux ce mot singulier :

— Enfin, je vous remercie bien, mon bon voisin, de votre pratique que vous me donnez.

Hautemare se rapprocha d’elle, il ne comprenait pas du tout ce dont il était question, mais en bon normand il ajouta :

— Au moins, j’espère que vous me ferez bon poids.

— Comment, bon poids, reprit la marchande, la cruche contenait trois livres et plus d’une demi-once ; d’abord j’ai passé cette première qualité à douze sous quoique hier encore j’en ai vendu à douze sous et un liard, et de plus, je n’ai pas fait payer la bonne demi-once à la jeune Lamiel.

— Je ne la gronderai pas moins, répliqua Hautemare avec assurance. Trois livres d’huile ! c’est trop tout à la fois ; je ne sais pas si je le lui ai dit en toutes lettres, mais lorsque je lui ai donné la commission, elle aurait bien dû comprendre qu’il ne s’agissait que d’une livre et demie, ou de deux livres tout au plus.