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vanité si naturelle dans le cœur d’une fille de seize ans.

Le jour du départ de la duchesse, le docteur avait trouvé le temps de lui dire :

— Allez pleurer dans votre chambre le départ de votre protectrice, et ne vous laissez voir que demain matin.

Le lendemain, lorsqu’elle descendit pour embrasser Mme Hautemare, celle-ci fut bien surprise de lui voir tous les vêtements d’une paysanne et même le hideux bonnet de coton, par lequel sont déshonorées les jolies figures des paysannes des environs de Bayeux.

Ce trait de prétendue modestie lui valut les applaudissements unanimes de tout le village. Ce bonnet de coton si laid, sur cette tête qu’on avait vue parée de si jolis chapeaux, soulageait l’envie. Tout le monde sourit à Lamiel quand elle sortit dans le village, portant des sabots et une jupe de simple paysanne. Son oncle, ne la voyant pas revenir du bout de la place, courut après elle.

— Où vas-tu ? lui cria-t-il d’un air alarmé.

— Je vais courir, lui dit-elle en riant ; j’étais en prison dans ce château.

Et en effet, elle prit sa course vers la campagne.