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le mari monta le thé dans la chambre du second étage, demanda les ordres de Madame et prit congé en faisant mille salutations bien nobles.

Ces dames rirent beaucoup de leur peur et s’endormirent tranquillement après avoir prêté l’oreille pendant une demi-heure au profond silence qui régnait dans le village. Le lendemain, la duchesse ne s’éveilla qu’à neuf heures, et, un instant après, son fils Fédor fut dans ses bras. Ce jour-là était le 28 juillet 1830. Fédor arrivant à sept heures, n’avait pas voulu qu’on éveillât sa mère. Il était fort triste. « Si les troupes ont continué, se disait-il, mes camarades diront que je suis un déserteur ; il faudrait, après avoir embrassé ma mère, obtenir d’elle que je pusse retourner à Paris. »

Lamiel en voyant ce jeune homme si inquiet, serré dans son uniforme, lui trouvait je ne sais quel aspect piètre qui excluait l’idée de force et même de courage : Fédor était grand[1] et mince ; il avait une charmante figure, mais l’extrême peur de passer pour un déserteur lui ôtait dans ce moment toute expression décidée,

  1. Le manuscrit porte gras, comme en haut de la page il y a ces dames sans dormir tranquillement. Cette copie a été faite sous la dictée de Stendhal par un secrétaire des plus ignorants. N. D. L. E.