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CHAPITRE 7


Le premier sentiment de Lamiel à la vue d’une vertu était de la croire une hypocrisie.

— Le monde, lui disait Sansfin, n’est point divisé, comme le croit le nigaud, en riches et en pauvres, en hommes vertueux et en scélérats, mais tout simplement en dupes et en fripons ; voilà la clef qui explique le xixe siècle depuis la chute de Napoléon ; car, ajoutait Sansfin, la bravoure personnelle, la fermeté de caractère n’offrent point prise à l’hypocrisie. Comment un homme peut-il être hypocrite en se lançant contre le mur d’un cimetière de campagne bien crénelé et défendu par deux cents hommes ? À l’exception de ces faits, ma belle amie, ne croyez jamais un mot de toutes les vertus dont on vient vous battre les oreilles. Par exemple, votre duchesse parle sans cesse de bonté ; c’est là, suivant elle, la vertu par excellence ; le vrai sens de ses actes d’admiration, c’est que, comme toutes les femmes de son rang, elle aime mieux avoir affaire à des