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trouve à l’égard de sa mère et pouvoir commandera son tour, il est naturel qu’une jeune fille cherche à se marier. Mais ce moment est bien dangereux. Une jeune fille peut perdre à jamais sa réputation. Il faut toujours qu’elle considère bien quels sont les intérêts de vanité du jeune homme qui lui fait la cour, car il n’y a parmi nous que deux façons de jouer un très beau rôle dans la société, il faut avoir montré de la bravoure à la guerre ou dans des duels engagés avec des jeunes gens considérés, ou bien il faut avoir séduit beaucoup de femmes remarquablement belles et riches.

Ici Lamiel était sur son terrain, vingt fois le docteur lui avait expliqué la conduite que doit tenir une jeune fille pour passer gaiement une jeunesse qui peut être interrompue par la mort, et toutefois ne pas perdre l’estime des vieilles femmes de l’endroit où elle vit. Lamiel regardait le curé d’un air malin, puis [elle] lui dit :

— Mais qu’est-ce que c’est que séduire, monsieur le curé ?

— C’est de la part d’un homme, parler trop souvent et avec intérêt à une jeune fille.

— Mais par exemple, reprit Lamiel avec malice, est-ce que vous me séduisez ?

— Non pas, grâce au ciel, reprit le