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voulez obtenir, que vous couchez en joue à l’exemple de votre bon M. Burke ?

Mais si Lamiel était peu susceptible de sentiment tendre, en revanche une conversation amusante avait pour elle un attrait tout-puissant, et la méchanceté trop découverte du docteur Sansfin heurtait un peu cette âme encore si jeune, et elle voulait la force incisive des idées du docteur, revêtue de la grâce parfaite que l’abbé savait donner à tout ce qu’il disait. Voici le portrait de Lamiel qu’à cette époque l’abbé Clément envoyait à un ami intime laissé à Boulogne :

« Cette fille étonnante dont vous me reprochez de parler trop souvent n’est point encore une beauté, elle est un peu trop grande et trop maigre. Sa tête offre le germe de la perfection de la beauté normande, front superbe, élevé, audacieux, cheveux d’un blond cendré, un petit nez admirable et parfait. Quant aux yeux, ils sont bleus et pas assez grands ; le menton est maigre, mais un peu trop long. La figure forme un ovale et l’on ne peut, il me semble, y blâmer que la bouche, qui a un peu le coin abaissé de la bouche d’un brochet. Mais la maîtresse de cette âme qui, quoique âgée de plus de quarante-cinq ans, a trouvé depuis peu un été de Saint-Martin, revient si souvent sur les défauts