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à qui cela reviendra-t-il ? Cela sera-t-il employé d’une façon édifiante ? À qui la faute si cet argent tombe dans les mains de gens mal pensants, c’est-à-dire dans les mains de ton neveu, un impie qui, en 1815, a fait partie de ce régiment de brigands appelés corps francs, levés contre les Prussiens ? On prétend même, mais je veux bien ne pas le croire, qu’il a tué un Prussien.

— Non, non, cela n’est pas vrai, s’écria le bon Hautemare ; tuer un allié de notre roi Louis le Désiré ! Mon neveu est un étourdi, il blasphème quelquefois, quand il a bu ; il manque la messe fort souvent, j’en conviens, mais il n’a pas tué un Prussien.

Mme Hautemare laissa son mari parler une heure sur ce sujet sans lui faire la charité d’une idée. La conversation devint languissante ; enfin elle ajouta :

— Je ferais bien d’adopter une petite fille, toute petite, nous l’élèverons dans la crainte de Dieu ; ce sera véritablement une âme que nous lui donnerons, et, dans nos vieux jours, elle nous soignera.

Le mari parut profondément ému de cette idée ; il s’agissait de déshériter son neveu, Guillaume