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du village, et Hautemare n’avait garde d’y manquer. Le curé était le principal auteur de sa petite fortune, et le bedeau frémissait rien qu’à lui voir froncer les sourcils.

M. Du Saillard, inspectant son peuple de la tribune de l’orgue, voyant que tout se passait bien et que le mot de pétard ne se trouvait dans aucune bouche, sortit dans le cimetière. À mes yeux, il était un peu jaloux de l’immense succès obtenu par l’abbé Le Cloud. Ce missionnaire n’avait pas l’art de punir et de récompenser à propos, et de gouverner toutes les volontés comme le curé ; mais, en revanche, il avait une facilité à parler dont celui-ci n’approcha jamais. Le curé ne s’avouait pas son infériorité. Voyant tant de monde réuni dans le cimetière, il ne put résister à la tentation de monter sur le piédestal de la croix et de parler, lui aussi, à ses ouailles. Ce qui me frappa dans son discours, c’est qu’il hésita à donner le nom de miracle à ce qui venait de se passer. C’est de ces choses, se disait-il, qu’on ne peut appeler franchement miracle que six mois après qu’elles ont eu lieu. Tout en parlant, il prêtait l’oreille pour voir s’il entendait prononcer le mot de pétards et de momeries indignes du