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détails avec une froideur parfaite et comme cherchant à se faire louer des précautions inventées par sa prudence ? Il était donc un être tellement sans conséquence, tellement étranger à toute idée d’amour et même de sensualité que l’on pût sans honte se vanter devant lui de tels détails !

Le docteur fit à Lamiel une scène furibonde, mais qu’il eut cependant l’esprit d’abréger. En sortant de la chambre de Lamiel, le hasard voulut qu’il rencontrât dans le couloir intérieur, qui conduisait au salon où la duchesse recevait en ce moment la visite de plusieurs dames du voisinage, le fatal piéton, qui venait d’être le héros des confidences si cruelles de Lamiel. Espérant remettre en mains propres à la duchesse et, peut-être, encore devant des dames, le piéton avait consacré une heure à une toilette qui dépassait de bien loin les soins de la propreté la plus parfaite. S’il eût pu déguiser l’âpreté doublement normande de son œil de renard, il eût pu passer pour un jeune homme de dix-huit ans appartenant à la société de Paris.

— Que faites-vous dans ce couloir qui n’est destiné qu’aux femmes de Mme  la duchesse et où les valets de chambre eux-mêmes n’osent jamais se montrer ?

— Je n’ai pas d’avis à recevoir de vous, ces choses-là ne regardent pas un vilain bossu.

Sur la réponse du docteur qui fut outrageante, le piéton saisit la chemise de toile de Hollande de Sansfin, étalée avec une coquetterie parfaite sur sa poitrine, et mit son ennemi hors d’état de paraître devant des dames. Sansfin, qui était fort, répondit par un coup de poing fort bien appliqué ; le piéton, persistant dans son plan d’attaque, saisit à deux mains la chemise du doc-