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Un jour Lairduel, un des farceurs de la troupe, ravi par les grâces de Lamiel, s’écria dans son enthousiasme :

— Elle est de si bonne compagnie !

— Elle est bien mieux que cela, dit le vieux baron de Prévan, qui était le dictateur de tous ces jeunes gens, c’est une fille d’esprit qui s’ennuie du ton de la bonne compagnie. Avec son air doux et gai, elle est l’audace même ; elle a le courage, plus humain que féminin, de braver votre mépris, et c’est pourquoi elle est inimitable. Regardez-la bien, messieurs, si jamais un caprice vous l’enlève, jamais vous n’en verrez une semblable.

Une autre singularité maintenait Lamiel à une hauteur incalculable. Au milieu des dîners dégénérant de plus en plus en orgie, on voyait une femme d’une figure charmante et n’ayant évidemment aucun goût pour le plaisir qui est censé faire le lien de ce genre de société. Il était évident que le libertinage, ou ce qu’on appelle le plaisir dans ce monde-là et même ailleurs, n’avait aucun charme pour elle. Chose incroyable, elle n’était point haïe des dames ; sans doute, ses succès si extraordinaires choquaient, mais : 1° le plaisir