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vingt ans, mais c’est une tête étroite, peu digne de comprendre une vie dirigée par l’amour et le hasard. De plus, elle a épousé un Miossens et moi je ne suis qu’un d’Aubigné-Nerwinde.

— Un Miossens, parent du duc ?

— Son grand oncle, mais d’où savez-vous ce nom ?

Lamiel rougit.

— M. de Tourte, mon prétendu, parlait sans cesse de Miossens ; l’homme d’affaires de cette famille lui fournissait quatre voix.

Lamiel savait déjà un peu mentir, mais elle appuyait encore trop, elle ne jetait pas les mensonges comme choses sans conséquence, elle avait encore bien à acquérir. Ce qui la faisait mentir, c’était une maxime que Mme  Le Grand lui répétait souvent depuis qu’elle lui parlait à cœur ouvert : « Sois riche, si tu peux ; sage, si tu veux ; mais sois considérée, il le faut. »

L’intimité avec le comte dura une demi-journée ; le soir, Lamiel lui trouvait déjà une sécheresse de cœur qui lui coupait la parole. Ses paroles avaient une grande dignité, mais cette dignité lui coûtait bien des efforts, et Lamiel voyait ces efforts, et elle n’eût pas su dire d’où venait son ennui : seu-