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— Embrassez-moi, et avec transport ; mais vous faites tomber mon bonnet de coton. (Il faut savoir que rien n’est plus hideux et plus ridicule que le bonnet de coton porté par les jeunes femmes de Caen et de Bayeux.)

— Vous avez raison, dit le duc en riant.

Il lui ôta son bonnet, lui mit sa casquette de chasse et l’embrassa avec un transport qui eut pour Lamiel tout le charme de l’imprévu. Le sarcasme disparut de ses beaux yeux.

— Si tu étais toujours comme ça, je t’aimerais. Si le marché que je vous propose vous convient, vous vous procurerez un passeport pour moi, car je crains les gendarmes. (Ce sentiment est comme inné dans les pays qui ont eu des Chouans vers 1795.) Vous prendrez de l’argent, vous demanderez permission à Mme  la duchesse, vous louerez un appartement bien joli à Rouen, et nous vivrons ensemble, qui sait ? dix jours au moins, jusqu’à ce que vous me sembliez ennuyeux.

Le jeune duc était transporté de la plus vive joie ; il voulut l’embrasser de nouveau.

— Non pas, lui dit-elle, vous ne m’embrasserez jamais que quand je vous l’ordonnerai. Mes parents m’ennuient avec des sermons infinis, et