Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dame Hautemare avait la parole et la tint longuement. L’ennui paralysait tous les sentiments chez Lamiel ; elle se fût jetée dans la Seine sans balancer pour sauver son oncle ou sa bonne tante qui seraient tombés dans les flots ; mais quand, à cette jeune fille qui s’ennuyait tant avec eux, ils vinrent à parler de leurs cheveux blancs déshonorés par sa conduite, elle ne vit que l’ennui de leur conversation. Le bon vieillard Hautemare, ayant eu recours aux phrases du plus grand pathétique, lui demanda sa parole qu’elle ne sortirait pas le lendemain après dîner. Lamiel ne sut sérieusement comment la refuser, et sa religion à elle, c’était l’honneur : une fois sa parole donnée, elle ne pouvait y manquer. Son absence, dans tous les lieux ordinaires des rendez-vous, mit le duc au désespoir. Après toute une nuit d’incertitude, il avait sacrifié à sa maîtresse un homme qui était son maître. L’essentiel, aux yeux du jeune duc, était que Duval ne devinât pas sa disgrâce ; en conséquence, il l’accabla de caresses, et le chargea de lui rendre compte de la vie que menait le vicomte D***, son ami intime ; car le duc voulut bien confier à Duval qu’il était question pour lui d’obtenir la main de Mlle  Ballard, fille d’un riche