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naire des Étiquettes, l’ouvrage le plus profond du siècle. Tout ce qui tient à la différence, et surtout à la délimitation des rangs dans la société, avait un droit particulier à l’attention d’une femme qui, pendant toute sa jeunesse, avait été à la veille d’être duchesse. C’était par une fatalité singulière qu’elle n’était arrivée à ce rang suprême, idole des femmes du faubourg Saint-Germain, qu’à l’âge de quarante ans, lorsqu’elle ne tenait plus guère, disait-elle, à avoir un rang dans le monde. Le malheur, suite de cette longue attente, avait aigri un caractère naturellement faible et superstitieux, auquel tout manqua avec la fraîcheur de la jeunesse. Elle eût trouvé une consolation dans les soins passionnés de quelque homme pauvre attiré au château ; mais un premier malheur de ce genre fut traité avec tant d’horreur par le directeur de sa conscience, que la duchesse arriva sans pécher de nouveau aux portes de la vieillesse, et ce malheur de tous les instants acheva d’aigrir son caractère. Il y avait des moments où elle sentait le besoin de se fâcher. Lorsqu’elle arriva en Normandie, la hauteur de cette marquise, qui prétendait être traitée en duchesse, parut si singulière aux dames nobles des châteaux voisins, que bientôt