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la suite des pièces qu’il fallait traverser pour arriver à celle où se trouvait la duchesse. Avertie par les dénonciations de ses femmes, la grande dame fit placer une glace dans son salon pour apercevoir cette gaîté de son fauteuil. Quoique Lamiel fût la légèreté même, tout était si tranquille dans ce vaste château, que l’ébranlement causé par ses sauts s’entendait de partout. Tout le monde en était scandalisé, et c’est ce qui acheva de décider la fortune de la jeune paysanne. Quand la duchesse fut bien sûre de n’avoir pas fait acquisition d’une petite fille se donnant des airs de demoiselle, elle se livra avec folie au vif penchant qu’elle sentait pour Lamiel. Celle-ci ne comprenait pas la moitié des mots qu’elle lisait dans la Quotidienne. La duchesse prétendit que pour bien lire il faut comprendre ; elle partit de là pour se donner le plaisir d’expliquer à Lamiel toutes les choses dont parle la Quotidienne. Ce ne fut pas une petite affaire, et, sans que la duchesse l’eût prévu, ce soin d’instruire Lamiel devint pour elle, tous les soirs, la source d’une occupation fort attachante ; par ce moyen, la lecture de la Quotidienne durait trois heures, au lieu d’une demi-heure. La grande dame expliquait à la jeune pay-