Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 4 —

quait : Naples ou Milan seraient un séjour bien autrement aimable que votre petite ville de Parme. À la vérité je ne règne pas sur Naples ou sur Milan ; mais enfin cette grande dame vient me demander quelque chose qui dépend de moi uniquement et qu’elle brûle d’obtenir ; j’ai toujours pensé que l’arrivée de ce neveu m’en ferait tirer pied ou aile.

Pendant que le prince souriait à ses pensées et se livrait à toutes ces prévisions agréables, il se promenait dans son grand cabinet, à la porte duquel le général Fontana était resté debout et raide comme un soldat au port d’armes. Voyant les yeux brillants du prince, et se rappelant l’habit de voyage de la duchesse, il crut à la dissolution de la monarchie. Son ébahissement n’eut plus de bornes quand il entendit le prince lui dire : — Priez madame la duchesse d’attendre un petit quart d’heure. Le général aide de camp fit son demi-tour comme un soldat à la parade ; le prince sourit encore : Fontana n’est pas accoutumé, se dit-il, à voir attendre cette fière duchesse : la figure étonnée avec laquelle il va lui parler du petit quart d’heure d’attente préparera le passage aux larmes touchantes que ce cabinet va voir répandre. Ce petit quart d’heure fut délicieux pour le prince ; il se promenait d’un pas ferme et égal, il régnait. Il s’agit ici de ne rien dire qui ne soit parfaitement à sa place ; quels que soient mes