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un air plus important que de coutume : on eût dit un geôlier allemand. Croyant savoir que c’était surtout la duchesse Sanseverina qui avait empêché son maître, le gouverneur, de devenir ministre de la guerre, il fut d’une insolence plus qu’ordinaire envers le prisonnier ; il lui adressait la parole en l’appelant voi, ce qui est en Italie la façon de parler aux domestiques.

— Je suis prélat de la sainte Église romaine, lui dit Fabrice avec fermeté, et grand-vicaire de ce diocèse ; ma naissance seule me donne droit aux égards.

— Je n’en sais rien ! répliqua le commis avec impertinence ; prouvez vos assertions, en exhibant les brevets qui vous donnent droit à ces titres fort respectables. Fabrice n’avait point de brevets et ne répondit pas. Le général Fabio Conti, debout à côté de son commis, le regardait écrire sans lever les yeux sur le prisonnier, afin de n’être pas obligé de dire qu’il était réellement Fabrice del Dongo.

Tout à coup Clélia Conti, qui attendait en voiture, entendit un tapage effroyable dans le corps-de-garde. Le commis Barbone faisant une description insolente et fort longue de la personne du prisonnier, lui ordonna d’ouvrir ses vêtements, afin que l’on pût vérifier et constater le nombre et l’état des égratignures reçues lors de l’affaire Giletti.