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nières limites du désespoir, et sentant bien que le gouverneur ne refuserait rien à un gendre aussi riche, alla jusqu’à se jeter à ses genoux : alors la pusillanimité du marquis Crescenzi sembla augmenter encore ; lui-même, à la vue de ce spectacle étrange, craignit d’être compromis sans le savoir ; mais il arriva une chose singulière : le marquis, bon homme au fond, fut touché des larmes et de la position, à ses pieds, d’une femme aussi belle et surtout aussi puissante.

Moi-même, si noble et si riche, se dit-il, peut-être un jour je serai aussi aux genoux de quelque républicain ! Le marquis se mit à pleurer, et enfin il fut convenu que la duchesse, en sa qualité de grande-maîtresse, le présenterait à la princesse, qui lui donnerait la permission de remettre à Fabrice un petit panier dont il déclarerait ignorer le contenu.

La veille au soir, avant que la duchesse sût la folie faite par Fabrice d’aller à la citadelle, on avait joué à la cour une comédie dell’arte ; et le prince, qui se réservait toujours les rôles d’amoureux à jouer avec la duchesse, avait été tellement passionné en lui parlant de sa tendresse, qu’il eût été ridicule si, en Italie, un homme passionné ou un prince pouvait jamais l’être !

Le prince, fort timide, mais toujours prenant fort au sérieux les choses d’amour, rencontra dans l’un des corridors du château la duchesse qui en-